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Évangile

Un voyage dans le temps | Evangile du 18 février

By 14 février, 2024février 17th, 2024No Comments
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Evangile selon Saint Marc 1,12-15:

Jésus venait d’être baptisé. Aussitôt l’Esprit le pousse au désert. Et dans le désert il resta quarante jours, tenté par Satan. Il vivait parmi les bêtes sauvages, et les anges le servaient. Après l’arrestation de Jean Baptiste, Jésus partit pour la Galilée proclamer la Bonne Nouvelle de Dieu; il disait: «Les temps sont accomplis: le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle».

Un voyage dans le temps

 Luis CASASUS Président des Missionnaires Identès

Rome, 18 février 2024 | Ier Dimanche de carême

Gen 9: 8-15; 1 Pe 3: 18-22; Mc 1: 12-15

Pourquoi faisons-nous tant de choses que nous regrettons par la suite ? Pourquoi ne finissons-nous pas ce que nous avons commencé ? Ce sont des questions délicates, avec de nombreuses réponses possibles. Mais il est vrai que dans notre vie spirituelle, nous pouvons trouver des réponses très pratiques, qui nous rapprochent du Christ et de son mode de vie.

Aujourd’hui, nous avons rappelé comment il a été conduit dans le désert, où il a été non seulement tenté, mais où il a aussi fait un long jeûne solitaire. Nous ne pouvons pas toujours nous rendre dans un endroit désert et silencieux, mais nous avons à notre portée une autre façon de nous déplacer que le Christ a sans aucun doute pratiquée. Il s’agit de se déplacer dans le temps. Ce n’est pas de la science-fiction, ce n’est pas étrange, et la prophétie n’en est qu’un exemple. Notre Père fondateur affirme que la prophétie nous permet de vivre notre destinée par anticipation. C’est l’élément le plus important de la prophétie, plus que d’anticiper des événements qui peuvent se produire de telle ou telle manière.

Dans notre prière, nous pouvons en effet goûter ce que la Providence nous réserve pour l’avenir, mais notre imagination peut aussi nous aider à choisir une voie appropriée, tout comme un scientifique peut prédire dans son esprit le résultat de certaines expériences.

Pour revenir à nos questions initiales, nous pouvons dire que nous manquons souvent de perspective dans le temps et que, par conséquent, nous nous perdons, nous prenons des chemins erronés qui, de plus, peuvent nuire à autrui.

Par exemple, supposons que j’exprime mon intention d’aller me promener. Cela ne semble pas négatif, mais je ne tiens peut-être pas compte du fait que quelqu’un à la maison est pressé par le temps et a besoin d’aide, que je pourrais inviter quelqu’un d’autre, que quelqu’un attend avec inquiétude que je termine une tâche inachevée… Tout cela peut être évité si je me projette quelques heures en avant et que j’utilise mon imagination pour visualiser les résultats, en l’occurrence le sentiment d’oubli ou d’insensibilité que je pourrais laisser chez mon prochain.

Un autre exemple, plus grave, est celui où je décide de ne plus parler à quelqu’un dont le comportement me met en colère et m’insupporte. Le résultat immédiat peut être d’éviter un conflit, mais si je me projette dans l’avenir, je peux imaginer ce qui arrivera à l’autre personne lorsqu’elle se sentira accusée par mon attitude, l’effet que mon comportement aura sur ceux qui m’observent, et ce qui peut nous arriver à tous les deux lorsque des semaines, des mois ou des années s’écouleront dans la rancœur.

C’est ce qui nous arrive lorsque nous prenons une décision hâtive dans une affaire délicate.

Dans tous les cas, deux états d’esprit sont possibles : se laisser entraîner et absorber rapidement par ce qui nous attire, ou prendre du recul et voir le panorama de ce qui va se passer si nous agissons sous l’effet de nos impulsions.

Savoir où nos actions nous mèneront avant qu’une situation tentante ne s’installe nous donne la possibilité de prendre une décision en accord avec l’évangile. Ce n’est qu’avant d’être emportés par l’instinct du bonheur que nous sommes en mesure de planifier des mesures pour protéger notre désir le plus profond de perfection, notre véritable aspiration.

Le résultat final de nombreuses actions est prévisible et semble aller de soi… C’est ce que nous pensons lorsque nous observons le comportement des autres ou lorsque nous nous remémorons notre propre comportement. Mais la précipitation, la fatigue ou l’inquiétude peuvent s’interposer et nous rendre véritablement aveugles.

Aujourd’hui, le Christ au désert nous donne une leçon. En tant qu’homme, il s’éloigne en ce lieu aride de ses forces, de ses capacités, et se remet entre les mains du Père. Le jeûne représente l’éloignement du monde, des passions. Mais en même temps, il signifie que l’on se place devant la volonté divine en donnant le signe de ne rien vouloir d’autre. C’est le désert spirituel et c’est aussi notre voyage permanent vers le futur par la prière. Quelque chose qui va au-delà de la maintenant très populaire pleine conscience, ou de l’attention au moment présent.

Pour nous aider à comprendre la victoire du Christ sur le diable, il existe une légende africaine sur l’aigle et le corbeau. Elle dit que le corbeau est le seul oiseau qui ose donner un coup de bec à l’aigle. Il s’assoit sur le dos de l’aigle et lui donne des coups de bec sur le cou. Lorsque cela se produit, l’aigle ne se défend pas, mais déploie ses ailes et s’envole plus haut, en regardant le soleil. À cette hauteur, le corbeau ne peut plus respirer correctement à cause du manque d’oxygène, et il tombe tout seul.

Si nous ne nous rendons pas face aux problèmes, mais visitons notre désert intérieur, nous entendrons la voix divine plus proche et les corbeaux de notre vie tomberont. Ni le monde, ni le diable, ni notre chair ne pourront résister. Le carême est l’occasion de se rappeler ce que le pape François a dit dans son message de carême 2021 : Dieu nous rendra nouveaux si nous le laissons faire !

Saint Augustin nous avertit également que même la tentation peut être transformée en instrument de victoire : Personne ne se connaît s’il n’est pas tenté, personne ne peut être couronné s’il n’a pas vaincu, personne ne peut vaincre s’il n’a pas combattu, personne ne peut combattre s’il n’a pas d’ennemis ni de tentations.

—ooOoo—

Il y a quelques décennies, personne ne croyait à l’existence des trous noirs dans l’univers, mais aujourd’hui ils sont étudiés et observés, et constituent l’une des clés pour comprendre l’origine et l’évolution du cosmos. De même, de nombreuses personnes ne croient pas en l’existence du diable, le considérant comme un mythe, un symbole ou, pire encore, un produit des croyances magiques d’autres époques qui ont déjà été dépassées. Par exemple, Rudolf Bultmann disait déjà en 1951 : “On ne peut pas utiliser la lumière électrique et les appareils radio, recourir aux moyens de la médecine clinique dans de nombreux cas pathologiques, et en même temps croire au monde des esprits et des miracles“.

Cependant, ce n’est qu’en tenant compte de la personnalité du diable, qui cherche à séparer et à tromper, que nous pourrons lutter efficacement contre notre abrutissement moral et spirituel.

Les quarante jours que Jésus a passés dans le désert ont une symbolique claire : quarante ans signifient le temps que le peuple élu a passé dans le désert, une génération qui a été continuellement tentée et mise à l’épreuve. Cela nous enseigne que l’action du diable n’est pas qu’occasionnelle ou ne se produisant qu’à des moments particulièrement importants.

Mystérieusement, mais clairement, sa présence est permanente et nous avons l’expérience de la manière dont il exploite habilement notre faiblesse, nos peurs et nos instincts, pour nous faire perdre notre route. Les bêtes sauvages qui entouraient le Christ lors de son séjour au désert symbolisent cette menace permanente, qui n’a rien de mythologique ou d’imaginaire.

L’une des tromperies fondamentales utilisées par le diable est de jeter la confusion sur notre identité personnelle, sur qui nous sommes vraiment. À trois reprises dans l’Évangile, Satan demande à Jésus : Si tu es Fils de Dieu…  Le diable voulait ébranler Son identité de Fils de Dieu. Sommes-nous plus que des animaux qui mangent, travaillent, dorment, procréent et disparaissent ensuite de la surface de la terre, ou sommes-nous vraiment créés à l’image et à la ressemblance de Dieu, appelés à partager avec lui la plénitude de la vie ? En effet, si nous n’avons qu’une seule vie à vivre, il vaut mieux vivre égoïstement. Mais si la plénitude de la vie commence après la mort, alors nous devons vivre de manière désintéressée et significative parce que la vie continue au-delà.

Mais ce n’est pas tout : la première lecture nous encourage et nous incite à la fidélité envers celui qui n’est pas seulement le Créateur, mais qui a établi une alliance, poétiquement rappelée par l’apparition de l’arc-en-ciel à travers les nuages, au milieu des tempêtes.

Aujourd’hui, au début du Carême, l’Église nous exhorte à vivre dans l’assurance que nous ne sommes pas seuls. La présence des anges qui ont accompagné Jésus après les tentations est un exemple de la manière dont Dieu place des êtres célestes et humains à nos côtés afin que nous ne tombions pas dans un individualisme qui, aujourd’hui plus que jamais, imprègne la vie de chaque être humain.

L’auteur de la Genèse rappelle l’ancienne vision d’un Dieu rempli de colère pour les péchés des hommes, mais nous dispose à ouvrir nos cœurs aux projets de l’amour divin inconditionnel. Jésus lui-même a été assisté par une famille, par des disciples, par de saintes femmes qui l’ont accompagné dans sa vie publique, et même par saint Jean-Baptiste, qui, à un moment donné de l’Évangile, est appelé “ange” parce que cela signifie messager divin (Mc 1, 2).

C’est d’ailleurs l’Esprit qui le conduit au désert. Le même Esprit qui est descendu sur lui sous la forme d’une colombe lors du baptême (Mc 1, 10). La vie de Jésus est loin d’être celle d’un individualiste autosuffisant.

La conscience pure évoquée par saint Paul dans la deuxième lecture va au-delà de l’intégrité morale, mais vise à nous éveiller à notre authentique identité filiale.

Celui ou celle qui ne se souvient pas qu’il est un fils ou une fille ne peut pas vivre dans la gratitude, n’est pas capable de tirer le meilleur parti de ce dont il a hérité et ne comprend pas pourquoi il devrait aimer les autres êtres humains, qui sont parfois peu accueillants à son égard.

C’est pourquoi Fernando Rielo, dans son livre Transfiguration, dit :

Si tu n’es pas un fils qui adore

un Père céleste et unique,

comment peux-tu mériter

que ceux de ta maison t’aiment ?

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Dans les Sacrés Cœurs de Jésus, Marie et Joseph,

Luis CASASUS

Président