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Fernando Rielo Pardal, un Fondateur empreint de l’amour du Père

By 18 avril, 2018No Comments

Article d’Isabel Orellana publié dans la revue Ecclesia (Madrid, n. 3920, 27-1-2018, p. 19-21), traduit et reproduit avec son autorisation.

Il y a peu de temps encore, Fernando Rielo, Fondateur de l’Institut Id du Christ Rédempteur, missionnaires identes, était à peine connu du public, excepté dans certains domaines de la culture, pour être le promoteur de la Fondation et du Prix Mondial de Poésie Mystique qui portent son nom, et le titulaire de plusieurs chaires universitaires en Equateur, aux Philippines et en Espagne (Salamanque). Pourtant, l’« idence » est présente depuis plus d’un demi-siècle sur quatre continents, grâce au labeur inlassable de ses fils spirituels sur différents fronts.

Comment se fait-il que soit resté si peu connu ce fils fidèle de l’Eglise, penseur, philosophe, métaphysicien, écrivain et poète, actif promoteur de la science, de l’humanisme et de la mystique ? Qu’est-ce qui le poussait au quotidien ? Quelles sont les clés de sa vie passionnée ? C’est à ces questions que nous allons répondre.

Une spiritualité marquée par la conscience filiale

Quand il est venu au monde à Madrid le 28 août 1923, il avait la certitude de provenir d’« un baiser du Père ». Ce point central, qui marqua sa vie depuis le début, fut palpable tout au long des étapes de sa vie. Son seul souci fut de rendre gloire au Père en faisant toujours Sa volonté. Le foyer dans lequel il a grandi avec cinq frères et sœurs (trois autres ne survécurent pas), présidé par ses parents Enrique et Pilar, lui prodigua attentions et tendresse. Il fut un enfant heureux, favorisé par des expériences spirituelles qui imprimèrent en lui une grande nostalgie pour le Ciel, lieu de sa vocation.

Il fit sa Première Communion à douze ans, à une période terrible marquée par la Guerre Civile espagnole, et faillit même être fusillé à cause de sa foi catholique. Cette époque vit fleurir son attrait pour le martyre, et suite à la lecture de Fabiola, œuvre du cardinal Wiseman, il écrivit de son propre sang la Sacra martyrielle, que prient aujourd’hui ses fils : « Je te promets, Seigneur, de vivre et de transmettre l’Evangile, avec le sacrifice de ma vie et de ma réputation, fidèle au plus grand témoignage d’amour : mourir pour toi ».

Être saint : objectif crucial de sa vie, prélude à un grand destin

Le matin du 28 août 1939, alors qu’il participait à un camp de jeunes à Valsaín (Ségovie), il entendit la voix du Père lui dire : « Mon fils, sois saint, comme Moi, je suis saint ». Il ignorait alors que cette invitation universelle se trouve dans l’évangile, mais il ne l’oublierait jamais et consacra sa vie à rechercher cette grâce qui le mènerait à l’union avec la Très Sainte Trinité.

Il fit ses études secondaires mais reporta sa formation universitaire du fait que son père, haut-fonctionnaire de la Poste, tomba gravement malade. Il obtint sur concours une place de fonctionnaire, également à la Poste, et fut envoyé à Ugíjar (Grenade). C’est là qu’il tomba amoureux d’une jeune femme qu’il pensait épouser. Mais un soir, à travers une locution, le Père lui fit comprendre qu’Il le voulait pour Lui, que son destin était autre.

De retour à Madrid, se demandant quel chemin suivre, il décida de commencer des études de philosophie à l’Université. Le jour même où il s’y rendait pour son inscription, il se laissa guider par une intuition intérieure qui le poussa à entrer dans l’église des Pères rédemptoristes. Après une conversation avec l’un des religieux, et une fois accompli son Service Militaire, il entra dans cette Congrégation pensant que c’était ce que Dieu voulait pour lui. Il y demeura dix années au terme desquelles il savait quelle était la mission qui lui était réservée : fonder une nouvelle réalité ecclésiale. Une locution intime, reçue la Nuit de Noël 1951 à Astorga, lui fit voir l’emblème ainsi que la devise de l’Institut Id du Christ Rédempteur qu’il aurait à ériger : « Crois et espère ».

Malgré cet appel à fonder, il résistait. Il craignait en effet que sa nature de créature fragile laissât filtrer, ne serait-ce qu’une légère nuance de sa propre volonté, empêchant ainsi la voix de Dieu de se dévoiler sans la moindre ombre. Il demanda alors conseil à douze religieux de différents Ordres en espérant qu’au moins l’un d’eux manifesterait sa désapprobation. Telle était sa condition pour fonder. Mais les douze répondirent de manière unanime. Et devant le Christ gisant du Pardo, lieu de la dernière de ses consultations, il sut qu’il ne pouvait renoncer à un destin qui le brûlait de l’intérieur. Un jeune s’agenouillant alors à côté de lui devant cette statue du Christ fut le signe du charisme dont il aurait à lancer la fondation.

« Je finis par accepter, et en sortant de l’église me fut inspiré que mon magistère serait seulement d’enseigner, d’inviter, d’exhorter, de parler continuellement, à temps et à contretemps, de la sainteté, spécialement à la jeunesse ».

Ténériffe: ville choisie pour la fondation. Lumières et ombres

Le 6 janvier 1957, il arriva à Ténériffe. En entrant dans la ville, il entendit une voix qui lui confirmait que c’était la ville choisie pour la fondation : elle lui procurerait joie ainsi que souffrance. L’après-midi, sur la jetée du port, il reçut une étoile :

Cette étoile représentait à ce moment précis l’expression complète de sa Providence qui allait me guider en tous et chacun de mes pas, en échange de cette prise de possession, de ce serment, de cette méditation, de cette confession intérieure, de cette exaltation intime dans laquelle, pour moi, l’Atlantique qui entourait ma vue comportait des dimensions indéfinies de créativité glorieuses pour Lui. Et j’ai senti remuer en mon cœur la mystique concélébration de la Très Sainte Trinité.

A peine arrivé sur l’île, Fernando, accompagné d’une équipe missionnaire, récoltait les fruits d’une intense action apostolique à travers laquelle il diffusait l’évangile avec le consentement de l’évêque, Don Domingo Pérez Cáceres. Le 29 juin 1959, ils lui présentèrent leurs lettres de créance, mais la mort prématurée du prélat, en 1961, ne leur permit pas de poursuivre leur envoi. Commença alors une époque douloureuse et difficile pour le Fondateur et l’Institution. Malgré cela, l’expansion apostolique en des points capitaux de l’Espagne, à la fin des années 60, était une réalité, tout comme son imparable rayonnement en Europe et en Amérique au long des années 70 et 80. Plus tard, ce serait le tour de l’Asie et de l’Afrique.

Le Christ, le métaphysicien par excellence

Préoccupé par la dérive de la pensée philosophique, Rielo fut amené à élaborer et à proposer un modèle génétique par lequel il montre comment le Christ, le métaphysicien par excellence, qui mérite d’occuper les différentes chaires du monde, est le seul à pouvoir donner réponse aux inquiétudes de l’homme et de la science. Ce modèle lui fut manifesté le 30 mai 1964, alors qu’il se trouvait dans le Parc de l’Ouest, à Madrid. Son esprit en prière, comme en tant d’instants de sa vie, reçut un écho devant le Père :

J’élevai vers mon Père Céleste un gémissement plein d’affliction qui retentit jusqu’au ciel à travers l’épais feuillage :

– Je ne suis rien. Tu es l’être.

Avec la violence d’un coup de tonnerre qui annonce une tempête fracassante, j’entendis sa voix :

– Mon fils, je suis « plus » que cela !

Cette pensée, développée et exposée dans le cadre de l’Ecole Idente dont il fut l’instigateur, fut d’abord portée à la connaissance du pape Paul VI (avec lequel il maintint une correspondance intense tout au long de son pontificat) avant d’être diffusée par lui et les missionnaires identes parmi des auditoires universitaires et organismes internationaux, suscitant aussitôt un grand intérêt dans les milieux académiques et diplomatiques.

La charité avant tout

La vivence de la charité fut le signe distinctif de Fernando. Magnanime, d’une grande délicatesse, homme au cœur innocent, attentif au moindre besoin des autres, il voulut que l’esprit de famille dont le modèle est la Très Sainte Trinité régnât dans le cœur des missionnaires, à qui il apprit à toujours donner le maximum, jamais le minimum.

Ayez un esprit d’entraide les uns envers les autres […]. Ne vous laissez jamais servir, si ce n’est lorsque c’est strictement nécessaire, dans certains besoins touchant au travail professionnel de certaines personnes, qui est aussi digne que de donner une conférence. Evitez autant que faire se peut de vous faire servir parce qu’alors, vous ne seriez pas les disciples d’un Seigneur qui a dit : « Je suis venu pour servir » […]. Soyez toujours attentifs aux besoins des uns et des autres. Le contraire est vulgaire, quotidien, ni religieux ni mystique. Revêtez-vous les uns les autres des meilleures tuniques, mémoires, paroles […]. C’est d’ailleurs ce que le Christ donne à ses disciples comme critère suprême, afin qu’ils puissent être crus en ce monde : « Aimez-vous comme je vous ai aimés ».

Docteurs de la douleur

Ceux qui ont pu le connaître ont apprécié sa personnalité fascinante. Elégant et sensible, proche et humble, grand orateur, touchant dans sa manière de partager ses grandes passions pour le divin, son amour pour l’Eglise et ses fils, d’une intelligence et d’une capacité privilégiées pour poser les questions d’indéniable profondeur auxquelles il apportait les réponses depuis sa foi, emportant les cicatrices de la souffrance en son corps. Il y fit face avec tant de dignité qu’il représentait un véritable exemple pour ceux qui souffrent.

Il subit une trentaine d’interventions chirurgicales, dont l’amputation de sa jambe droite. Il disait avoir visité plus d’hôpitaux que d’églises ! Il vécut la souffrance avec courage, mais aussi réalisme. Il garda son sens de l’humour, la finesse dans ses gestes et la détermination d’unir ses souffrances à la passion rédemptrice du Christ. Telle est la douleur de l’amour :

Ma vie me semble trop peu déposée sur l’autel des offrandes […]. Je dois vous exprimer un sentiment ainsi que l’immense bénéfice que je retire de la maladie. J’ai bénéficié de merveilles célestes […]. Je dois avouer : quelle belle vision j’ai reçue du monde ! Quant à celle du ciel, encore plus belle ! La maladie a été pour moi l’occasion d’un lien entre le ciel et la terre pour pouvoir scruter des horizons formidables Si je devais naître à nouveau, je demanderais la même chose […]. J’ai toujours été sensible à la souffrance humaine. Combien d’enfants meurent sans même avoir eu l’occasion de dire ‘je veux ceci ou je rejette cela’, de violer ou d’accepter un commandement divin ! Je savais que la santé, la paix, la tranquillité du corps ne représentaient pour moi aucun bien, et bien que cela paraisse paradoxal, c’est à cette école intérieure que j’ai appris ce qu’est l’amour, la grandeur de l’amour divin, l’immense mystère de cette grandeur qui déborde toutes les possibilités rationnelles du cœur.

Marie, toujours

Fervent de Marie (et de Joseph), il entreprit en 1976 un voyage à Ephèse, via Rome, où il fit une rencontre avec la Mère du ciel. C’est dans la chapelle Barberini de la basilique Saint-André-della-Valle qu’elle lui fit don du Trissage, « rosaire idente », pour que ses fils le prient quotidiennement. Le Trissage est un hymne de louange adressé à la Très Sainte Trinité à travers la toute-puissance suppliante de notre Mère céleste. Il consiste à réciter, à trois reprises, un Notre Père, trois Je vous salue Marie et un Gloire au Père…

Je vous salue, Marie, pleine de grâce ; le Seigneur est avec vous. Vous êtes bénie entre toutes les femmes. Et Jésus, le fruit de vos entrailles, est béni. Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous pauvres pécheurs, pour que nous soyons saints.

La Vierge l’avait éclairé sous diverses invocations : dans son enfance, ce fut Notre-Dame de la médaille miraculeuse, puis à Grenade, ND des « Angustias », à Madrid ND du Perpétuel Secours… Plus tard, il léguerait à l’Eglise une nouvelle invocation : Notre-Dame de la Vie Mystique, dont la chapelle se trouve dans la cathédrale de la Almudena de Madrid.

Son héritage spirituel

Travailler pour son royaume comme unique objectif est ce qui explique qu’il put déployer son labeur apostolique de manière si florissante. Il mit sur pied, entre autres lignes d’action apostoliques et culturelles, le Catéchuménat Idente, l’Ecole Idente, la Jeunesse Idente, la Famille Idente et la Fondation Fernando Rielo. Il laisse derrière lui un précieux héritage en ce qui concerne sa pensée philosophique et sa création poétique, mais surtout, un héritage spirituel qui trouve son fondement dans l’Evangile, la Tradition et le Magistère, toujours en vue de rendre à Dieu la plus grande gloire.

De nombreux amis à travers le monde, où il voyagea tant qu’il put, connurent son génie, sa force et sa capacité d’improvisation, dons sur lesquels il s’appuya pour diffuser la foi. En 1988, il partit à New York pour suivre une rééducation à l’Hôpital Rusk, et c’est là que son intense labeur apostolique se centra. C’est aussi dans cette ville qu’à la demande de hautes instances ecclésiales, il renonça au gouvernement de l’Institut, choisissant de rester dans l’ombre et de grandir dans l’amour aux yeux de Dieu.

Le 6 décembre 2004, pratiquement à la veille de la solennité de l’Immaculée Conception, sans qu’il ait le temps de faire ses adieux, cette voix qui s’était éteinte lentement à cause des multiples séquelles de la maladie, quitta ce monde pour toujours, et il retourna dans les bras du Père, comme il en rêvait. Quarante jours auparavant, l’Institut des Missionnaires Identes fut reconnu canoniquement Institut de Vie Consacrée de Droit Diocésain, Fernando Rielo étant reconnu comme son Fondateur dans le décret. Et le 11 juillet 2009, la Congrégation pour les Instituts de Vie Consacrée et les Sociétés de Vie Apostolique signa le décret de reconnaissance de l’Institut Id du Christ Rédempteur, Missionnaires Identes, comme Institut de Vie Consacrée de Droit Pontifical (www.idente.org).

Son corps repose dans la crypte de la cathédrale Notre-Dame de la Almudena, à Madrid, dans la chapelle ND du Rosaire.

Fernando Rielo présidant le VIIIème Prix Mondial de Poésie Mystique portant son nom et institué par lui. Siège de l’ONU, New York, le 16 décembre 1988.