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Évangile

Parler de la vanité le dimanche des Rameaux? | Evangile du 24 mars

By 20 mars, 2024mars 22nd, 2024No Comments
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Evangile selon Saint Marc 14,1-15,47:

La fête de la Pâque et des pains sans levain allait avoir lieu dans deux jours. Les chefs des prêtres et les scribes cherchaient le moyen d’arrêter Jésus par ruse, pour le faire mourir. Car ils se disaient: «Pas en pleine fête, pour éviter une émeute dans le peuple».
Jésus se trouvait à Béthanie, chez Simon le lépreux. Pendant qu’il était à table, une femme entra, avec un flacon d’albâtre contenant un parfum très pur et de grande valeur. Brisant le flacon, elle le lui versa sur la tête. Or, quelques-uns s’indignaient: «A quoi bon gaspiller ce parfum? On aurait pu le vendre pour plus de trois cents pièces d’argent et en faire don aux pauvres». Et ils la critiquaient. Mais Jésus leur dit: «Laissez-la! Pourquoi la tourmenter? C’est une action charitable qu’elle a faite envers moi. Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous, et, quand vous voudrez, vous pourrez les secourir; mais moi, vous ne m’aurez pas toujours. Elle a fait tout ce qu’elle pouvait faire. D’avance elle a parfumé mon corps pour mon ensevelissement. Amen, je vous le dis: Partout où la Bonne Nouvelle sera proclamée dans le monde entier, on racontera, en souvenir d’elle, ce qu’elle vient de faire».

Judas Iscariote, l’un des Douze, alla trouver les chefs des prêtres pour leur livrer Jésus. A cette nouvelle, ils se réjouirent et promirent de lui donner de l’argent. Dès lors Judas cherchait une occasion favorable pour le livrer.

Le premier jour de la fête des pains sans levain, où l’on immolait l’agneau pascal, les disciples de Jésus lui disent: «Où veux-tu que nous allions faire les préparatifs pour ton repas pascal?». Il envoie deux disciples: «Allez à la ville; vous y rencontrerez un homme portant une cruche d’eau. Suivez-le. Et là où il entrera, dites au propriétaire: ‘Le maître te fait dire: Où est la salle où je pourrai manger la Pâque avec mes disciples?’. Il vous montrera, à l’étage, une grande pièce toute prête pour un repas. Faites-y pour nous les préparatifs». Les disciples partirent, allèrent en ville; tout se passa comme Jésus le leur avait dit; et ils préparèrent la Pâque.

Le soir venu, Jésus arrive avec les Douze. Pendant qu’ils étaient à table et mangeaient, Jésus leur déclara: «Amen, je vous le dis: l’un de vous, qui mange avec moi, va me livrer». Ils devinrent tout tristes, et ils lui demandaient l’un après l’autre: «Serait-ce moi?». Il leur répondit: «C’est l’un des Douze, qui se sert au même plat que moi. Le Fils de l’homme s’en va, comme il est écrit à son sujet; mais malheureux celui qui le livre! Il vaudrait mieux pour lui qu’il ne soit pas né».

Pendant le repas, Jésus prit du pain, prononça la bénédiction, le rompit, et le leur donna, en disant: «Prenez, ceci est mon corps». Puis, prenant une coupe et rendant grâce, il la leur donna, et ils en burent tous. Et il leur dit: «Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, répandu pour la multitude. Amen, je vous le dis: je ne boirai plus du fruit de la vigne, jusqu’à ce jour où je boirai un vin nouveau dans le royaume de Dieu». Après avoir chanté les psaumes, ils partirent pour le mont des Oliviers.

Jésus leur dit: «Vous allez tous être exposés à tomber, car il est écrit: ‘Je frapperai le berger, et les brebis seront dispersées’. Mais, après que je serai ressuscité, je vous précéderai en Galilée». Pierre lui dit alors: «Même si tous viennent à tomber, moi, je ne tomberai pas». Jésus lui répond: «Amen, je te le dis: toi, aujourd’hui, cette nuit même, avant que le coq chante deux fois, tu m’auras renié trois fois». Mais lui reprenait de plus belle: «Même si je dois mourir avec toi, je ne te renierai pas». Et tous disaient de même.

Ils parviennent à un domaine appelé Gethsémani. Jésus dit à ses disciples: «Restez ici; moi, je vais prier». Puis il emmène avec lui Pierre, Jacques et Jean, et commence à ressentir frayeur et angoisse. Il leur dit: «Mon âme est triste à mourir. Demeurez ici et veillez». S’écartant un peu, il tombait à terre et priait pour que, s’il était possible, cette heure s’éloigne de lui. Il disait: «Abba… Père, tout est possible pour toi. Éloigne de moi cette coupe. Cependant, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux!». Puis il revient et trouve les disciples endormis. Il dit à Pierre: «Simon, tu dors! Tu n’as pas eu la force de veiller une heure? Veillez et priez pour ne pas entrer en tentation: l’esprit est ardent, mais la chair est faible». Il retourna prier, en répétant les mêmes paroles. Quand il revint près des disciples, il les trouva endormis, car leurs yeux étaient alourdis. Et ils ne savaient que lui dire. Une troisième fois, il revient et leur dit: «Désormais vous pouvez dormir et vous reposer. C’est fait; l’heure est venue: voici que le Fils de l’homme est livré aux mains des pécheurs. Levez-vous! Allons! Le voici tout proche, celui qui me livre».

Jésus parlait encore quand Judas, l’un des Douze, arriva avec une bande armée d’épées et de bâtons, envoyée par les chefs des prêtres, les scribes et les anciens. Or, le traître leur avait donné un signe convenu: «Celui que j’embrasserai, c’est lui: arrêtez-le, et emmenez-le sous bonne garde». A peine arrivé, Judas, s’approchant de Jésus, lui dit: «Rabbi!». Et il l’embrassa. Les autres lui mirent la main dessus et l’arrêtèrent. Un de ceux qui étaient là tira son épée, frappa le serviteur du grand prêtre et lui trancha l’oreille. Alors Jésus leur déclara: «Suis-je donc un bandit pour que vous soyez venus m’arrêter avec des épées et des bâtons? Chaque jour, j’étais parmi vous dans le Temple, où j’enseignais; et vous ne m’avez pas arrêté. Mais il faut que les Écritures s’accomplissent». Les disciples l’abandonnèrent et s’enfuirent tous. Or, un jeune homme suivait Jésus; il n’avait pour vêtement qu’un drap. On le saisit. Mais lui, lâchant le drap, se sauva tout nu.

Ils emmenèrent Jésus chez le grand prêtre, et tous les chefs des prêtres, les anciens et les scribes se rassemblent. Pierre avait suivi Jésus de loin, jusqu’à l’intérieur du palais du grand prêtre, et là, assis parmi les gardes, il se chauffait près du feu. Les chefs des prêtres et tout le grand conseil cherchaient un témoignage contre Jésus pour le faire condamner à mort, et ils n’en trouvaient pas. De fait, plusieurs portaient de faux témoignages contre Jésus, et ces témoignages ne concordaient même pas. Quelques-uns se levaient pour porter contre lui ce faux témoignage: «Nous l’avons entendu dire: ‘Je détruirai ce temple fait de main d’homme, et en trois jours j’en rebâtirai un autre qui ne sera pas fait de main d’homme’». Et même sur ce point, ils n’étaient pas d’accord. Alors le grand prêtre se leva devant l’assemblée et interrogea Jésus: «Tu ne réponds rien à ce que ces gens déposent contre toi?». Mais Lui gardait le silence, et il ne répondait rien. Le grand prêtre l’interroge de nouveau: «Es-tu le Messie, le Fils du Dieu béni?». Jésus lui dit: «Je le suis, et vous verrez le Fils de l’homme siéger à la droite du Tout-Puissant, et venir parmi les nuées du ciel». Alors, le grand prêtre déchire ses vêtements et dit: «Pourquoi nous faut-il encore des témoins? Vous avez entendu le blasphème. Quel est votre avis?». Tous prononcèrent qu’il méritait la mort. Quelques-uns se mirent à cracher sur Lui, couvrirent son visage d’un voile, et le rouèrent de coups, en disant: «Fais le prophète!», et les gardes lui donnèrent des gifles.

Comme Pierre était en bas, dans la cour, arrive une servante du grand prêtre. Elle le voit qui se chauffe, le dévisage et lui dit: «Toi aussi, tu étais avec Jésus de Nazareth!». Pierre le nia: «Je ne sais pas, je ne comprends pas ce que tu veux dire». Puis il sortit dans le vestibule. La servante, l’ayant vu, recommença à dire à ceux qui se trouvaient là: «En voilà un qui est des leurs!». De nouveau, Pierre le niait. Un moment après, ceux qui étaient là lui disaient: «Sûrement tu en es! D’ailleurs, tu es Galiléen». Alors il se mit à jurer en appelant sur lui la malédiction: «Je ne connais pas l’homme dont vous parlez». Et aussitôt, un coq chanta pour la seconde fois. Alors Pierre se souvint de la parole de Jésus: «Avant que le coq chante deux fois, tu m’auras renié trois fois». Et il se mit à pleurer.

Dès le matin, les chefs des prêtres convoquèrent les anciens et les scribes, et tout le grand conseil. Puis ils enchaînèrent Jésus et l’emmenèrent pour le livrer à Pilate. Celui-ci l’interrogea: «Es-tu le roi des Juifs?». Jésus répond: «C’est toi qui le dis». Les chefs des prêtres multipliaient contre Lui les accusations. Pilate lui demandait à nouveau: «Tu ne réponds rien ? Vois toutes les accusations qu’ils portent contre toi». Mais Jésus ne répondit plus rien, si bien que Pilate s’en étonnait.

A chaque fête de Pâque, il relâchait un prisonnier, celui que la foule demandait. Or, il y avait en prison un dénommé Barabbas, arrêté avec des émeutiers pour avoir tué un homme lors de l’émeute. La foule monta donc, et se mit à demander à Pilate la grâce qu’il accordait d’habitude. Pilate leur répondit: «Voulez-vous que je vous relâche le roi des Juifs?». Il se rendait bien compte que c’était par jalousie que les chefs des prêtres l’avaient livré. Ces derniers excitèrent la foule à demander plutôt la grâce de Barabbas. Et comme Pilate reprenait: «Que ferai-je donc de celui que vous appelez le roi des Juifs?», ils crièrent de nouveau: «Crucifie-le!». Pilate leur disait: «Qu’a-t-il donc fait de mal?». Mais ils crièrent encore plus fort: «Crucifie-le!». Pilate, voulant contenter la foule, relâcha Barabbas, et après avoir fait flageller Jésus, il le livra pour qu’il soit crucifié.

Les soldats l’emmenèrent à l’intérieur du Prétoire, c’est-à-dire dans le palais du gouverneur. Ils appellent toute la garde, ils lui mettent un manteau rouge, et lui posent sur la tête une couronne d’épines qu’ils ont tressée. Puis ils se mirent à lui faire des révérences: «Salut, roi des Juifs!». Ils lui frappaient la tête avec un roseau, crachaient sur Lui, et s’agenouillaient pour lui rendre hommage. Quand ils se furent bien moqués de Lui, ils lui ôtèrent le manteau rouge, et lui remirent ses vêtements.

Puis, ils l’emmenèrent pour le crucifier, et ils réquisitionnent, pour porter la croix, un passant, Simon de Cyrène, le père d’Alexandre et de Rufus, qui revenait des champs. Et ils amènent Jésus à l’endroit appelé Golgotha, c’est-à-dire: Lieu-du-Crâne, ou Calvaire. Ils lui offraient du vin aromatisé de myrrhe ; mais Il n’en prit pas. Alors ils le crucifient, puis se partagent ses vêtements, en tirant au sort pour savoir la part de chacun. Il était neuf heures lorsqu’on le crucifia. L’inscription indiquant le motif de sa condamnation portait ces mots: «Le roi des Juifs». Avec Lui on crucifie deux bandits, l’un à sa droite, l’autre à sa gauche. Les passants l’injuriaient en hochant la tête: «Hé!, toi qui détruis le Temple et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même, descends de la croix!». De même, les chefs des prêtres se moquaient de lui avec les scribes, en disant entre eux: «Il en a sauvé d’autres, et il ne peut pas se sauver lui-même! Que le Messie, le roi d’Israël, descende maintenant de la croix; alors nous verrons et nous croirons». Même ceux qui étaient crucifiés avec lui l’insultaient.

Quand arriva l’heure de midi, il y eut des ténèbres sur toute la terre jusque vers trois heures. Et à trois heures, Jésus cria d’une voix forte: «Éloï, Éloï, lama sabactani?», ce qui veut dire: «Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné?». Quelques-uns de ceux qui étaient là disaient en l’entendant: «Voilà qu’il appelle le prophète Élie!». L’un d’eux courut tremper une éponge dans une boisson vinaigrée, il la mit au bout d’un roseau, et il lui donnait à boire, en disant: «Attendez! Nous verrons bien si Élie vient le descendre de là!». Mais Jésus, poussant un grand cri, expira.

Le rideau du Temple se déchira en deux, depuis le haut jusqu’en bas. Le centurion qui était là en face de Jésus, voyant comment il avait expiré, s’écria: «Vraiment, cet homme était le Fils de Dieu!». Il y avait aussi des femmes, qui regardaient de loin, et parmi elles, Marie Madeleine, Marie, mère de Jacques le petit et de José, et Salomé, qui suivaient Jésus et le servaient quand Il était en Galilée, et encore beaucoup d’autres, qui étaient montées avec Lui à Jérusalem.

Déjà le soir était venu; or, comme c’était la veille du sabbat, le jour où il faut tout préparer, Joseph d’Arimathie intervint. C’était un homme influent, membre du Conseil, et il attendait lui aussi le royaume de Dieu. Il eut le courage d’aller chez Pilate pour demander le corps de Jésus. Pilate, s’étonnant qu’il soit déjà mort, fit appeler le centurion, pour savoir depuis combien de temps Jésus était mort. Sur le rapport du centurion, il permit à Joseph de prendre le corps. Joseph acheta donc un linceul, il descendit Jésus de la croix, l’enveloppa dans le linceul et le déposa dans un sépulcre qui était creusé dans le roc. Puis il roula une pierre contre l’entrée du tombeau. Or, Marie Madeleine et Marie, mère de José, regardaient l’endroit où on l’avait mis.

Parler de la vanité le dimanche des Rameaux?

père Luis CASASUS Président des Missionnaires Identès

Rome, 24 mars 2024 Dimanche des Rameaux

Is 50; Ph 2, 6-11; Mc 14, 1-15,47

Contempler la Croix. J’ai rencontré très peu de personnes, laïques ou religieuses, qui ne soient pas réellement victimes de la vanité (et je n’en fais pas partie). Il y a quelques années, la légende suivante est devenue populaire :

Nisterius le Grand, l’un des saints pères du désert égyptien, se promenait un jour en compagnie d’un grand nombre de disciples qui le vénéraient comme un homme de Dieu. Soudain, un dragon apparut devant eux et ils s’enfuirent tous.

Bien des années plus tard, alors que Nisterius était mourant, l’un des disciples lui dit : “Père, avez-vous aussi eu peur le jour où nous avons vu le dragon ?

Non, répondit Nisterius.

Alors pourquoi t’es-tu enfui comme tous les autres ?

J’ai pensé qu’il valait mieux fuir le dragon pour ne pas avoir à fuir plus tard l’esprit de vanité.

Aujourd’hui, en faisant mémoire de la Passion du Christ, nous sommes invités à contempler la Croix, véritable mystère dont nous devons tirer toutes les leçons nécessaires pour être chrétiens. Les historiens disent que, dans les premiers temps, les disciples de Jésus ont eu du mal à accepter la Croix comme symbole de l’Église. Ce n’est pas étonnant, c’est comme si aujourd’hui venait à l’esprit de quelqu’un de faire du gibet l’emblème d’une société ou d’un groupe religieux.

Mais je voudrais souligner le fait que, sur la Croix, outre perdre sa vie, le Christ a crucifié sa réputation. Les voleurs, les bandits et les assassins qui sont morts comme lui sur la Croix ont également donné leur vie, presque toujours contre leur gré, mais la renommée de ces criminels était déjà déplorable et, sur la Croix, leurs mauvaises actions et leurs crimes ont simplement été rendus publics. La renommée du Christ crucifié, la renommée d’un homme bon, d’un prophète, d’un maître sage et compatissant, reconnu par ses amis et ses ennemis, a été enterrée comme une graine qui a porté et portera des fruits au moment opportun.

Le Christ aurait pu accepter l’invitation : “Descends de la croix si tu es le Fils de Dieu” (Mt 27, 40), mais il ne l’a pas fait, tout comme il a refusé les tentations du désert :Je te donnerai la puissance et la gloire (Lc 4, 6), lui dit le diable. Tout visait à échapper à la douleur et, soi-disant, à rendre visibles sa puissance, sa vertu et sa proximité avec Dieu Père. Mais, comme le fera plus tard le moine Nisterius, il préfère rester uni à la douleur, à la peur, à l’angoisse et à la souffrance de ses semblables.

Quand ma réputation s’en va en cendres, l’image de Dieu s’illumine.  Celui qui renonce à sa propre renommée est un véritable instrument pour révéler le visage de Dieu. Celui qui agit ainsi est comme saint Jean-Baptiste, qui sait indiquer à ses disciples où ils doivent regarder, disparaître avec délicatesse, se taire pour que le Maître puisse parler. Il n’est pas étonnant que Jésus ait dit que parmi ceux qui sont nés de femmes, il n’y a pas eu de plus grand que Jean le Baptiste (Mt 11, 11).

Nous pouvons comprendre ce que signifie offrir sa vie, en regardant les martyrs ou les personnes qui, patiemment et généreusement, donnent leur vie aux autres jour après jour, minute après minute. Certains sont sans doute des saints inconnus. Mais j’oserais dire qu’il est plus difficile de renoncer à la réputation ; ne pas tomber dans la vanité quand on fait quelque chose de remarquable ou un acte extrêmement généreux… n’est pas du tout courant. Je ne peux m’empêcher de citer une autre histoire similaire à celle de Nisterius :

Une femme souffrant d’une grave maladie alla trouver l’un des pères du désert, appelé Longinus, qui avait la réputation d’être un saint. Elle le rencontra alors qu’il ramassait du bois, et elle, qui ne le connaissait pas, lui dit : “Peux-tu me dire où habite le serviteur de Dieu Longinus ?

Longinus lui répondit : “Pourquoi cherches-tu ce vieil imposteur ? Qu’est-ce qui t’arrive ? Il lui donna sa bénédiction et la renvoya en disant : “Va, et sois sûre que Dieu te rendra la santé”. La femme s’en alla, sûre d’être guérie, et elle le fut. Reconnaissante envers Dieu, elle mourut de nombreuses années plus tard, ignorant totalement que c’était Longinus qui avait obtenu la grâce de sa guérison.

Saint Paul était très satisfait de la communauté chrétienne des Philippiens, mais dans la deuxième lecture, il les encourage à l’humilité, car certains étaient désireux d’imposer leur volonté et d’être admirés. C’est précisément pour cela qu’il leur donne l’exemple de Jésus, en leur disant qu’ il s’est dépouillé de lui-même. La plus grande preuve en est de donner sa vie aux autres, sans s’en vanter. Nous ne sommes pas capables de le faire par nos propres forces, et nous nous vantons toujours d’avoir trop de travail, trop peu de sommeil, pas de temps libre… autant de signes de vanité, car nous cherchons à être admirés par les autres pour notre soi-disant dévouement, alors que nous ne faisons que montrer des qualités et des capacités que nous avons reçues gratuitement, sans le moindre mérite.

Notre instinct de bonheur est si puissant et actif qu’il exige une réponse à notre générosité : des applaudissements, la reconnaissance de quelqu’un, de la gratitude ou simplement une satisfaction intime. Si ces revendications ne semblent pas perverses, la réalité est qu’elles nous asservissent. Notre esprit et notre volonté sont piégés et nous devenons prisonniers de nos pensées, comme l’a constaté le psychiatre Alfred Adler (1870-1937) chez nombre de ses patients. Cet attachement à nos propres idées, aux jugements que toi et moi portons sur ce qui est meilleur, ce qu’il faudrait faire et la valeur de nos actes, nous emprisonne et nous empêche de progresser dans la compassion et la générosité.

C’est cela la vanité, ne pas savoir prendre de la distance avec soi-même.

Le célèbre neurologue et psychologue Viktor Frankl (1905-1997), qui a vécu des situations horribles pendant la guerre, a également conclu que la bonne humeur, le fait de NE PAS s’identifier à une situation douloureuse – comme la trahison de Judas – ou à un succès supposé – comme l’entrée de Jésus à Jérusalem – est la clé d’une abnégation constructive, qui nous permet de nous approcher de notre prochain au nom de Dieu, avec la sécurité expérimentée par le “Serviteur de Dieu” de la première lecture au milieu des moqueries et des offenses : sachant que je ne serai pas déçu. C’est pourquoi Jésus accepte d’être livré et saisi par le peuple armé, rempli de paix, et non comme “l’un des disciples”, qui a blessé le serviteur du Grand Prêtre.

Fernando Rielo, notre Fondateur, parle aussi de la prison de notre ego, qui se manifeste en devenant la marionnette de ses propres conceptions et de son propre comportement, de la sensibilité et des intérêts du moment ou des conditionnements environnementaux, de groupe, éducatifs et idéologiques qui assaillent chaque personne.

Dans son récent livre consacré au Père Henri Didon, inspirateur de la spiritualité olympique, notre chère Angela Teja nous rappelle que dans la devise olympique Citius, Altius, Fortius, (Plus loin, plus haut, plus fort), le mot Communiter (Ensemble) a été ajouté en 2021, pour nous rappeler que rien, ni la plus belle chose, ni le triomphe, ni les applaudissements, ni les critiques, ne peut m’éloigner de mon prochain. Pour reprendre les paroles de notre père Fondateur, nous dirions qu’il s’agit là de la véritable extase, du moins de la “première partie” de l’extase, qui consiste à trouver le moyen de sortir de moi-même, pour pouvoir ensuite aller vers les autres… sans revenir à moi-même, pour me regarder dans le miroir.

Sur la Croix, le Christ ne s’est pas contemplé lui-même, mais a contemplé le Père, c’est pourquoi il s’est écrié : “Pourquoi m’as-tu abandonné ?”, parce qu’il a ressenti le besoin de se rapprocher de plus en plus de Lui et c’est sans aucun doute la douleur la plus forte et la plus profonde, en écoutant comment les gens riaient en le regardant et que seul un centurion l’a reconnu comme le Fils de Dieu… après qu’il soit mort, sans une seule parole violente, mais en demandant pardon pour ses bourreaux.

Alors Joseph d’Arimathie, “qui attendait lui aussi le Royaume de Dieu”, a pris son courage à deux mains, comme le dit saint Marc, pour reprendre le corps sans vie de Jésus, en qui il avait reconnu le Fils de Dieu précisément par son silence, par ce signe de force d’âme propre à ceux qui n’ont pas besoin de se défendre ou de montrer qu’ils ont raison, parce qu’ils sont sûrs que les desseins de Dieu sont indestructibles, même s’ils sont souvent mystérieux pour nous.

Une ou plusieurs personnes ont toujours su lire dans la vie du Christ ce que les puissants ou la foule voulaient ignorer ou cacher : Véronique, la sainte inconnue et pieuse qui lui a essuyé le visage, le bon larron, la femme de Pilate, les femmes qui l’ont suivi fidèlement, le centurion qui l’a gardé au pied de la Croix et, surtout, Marie, accompagnée du disciple que Jésus aimait. Et n’oublions pas l’ange qui l’a assisté à Gethsémani (Lc 22, 43), comme preuve que son Père et notre Père ne l’ont jamais abandonné.

Ce détachement tragique et sublime de Jésus pour sa renommée, cette distance si grande avec ce que nous considérons comme une victoire, c’est ce qui a poussé le Père à mettre son Nom au-dessus de tout nom, comme nous le dit la deuxième lecture.

C’est pour cette raison que notre père Fondateur, Fernando Rielo, nous a donné une prière pour clore les actes les plus solennels de la liturgie, à laquelle il a donné le nom de Sacra Martirial et qui dit ce qui suit :

Je te promets, Seigneur, de vivre et de transmettre l’Évangile, avec le sacrifice de ma vie et ma réputation, fidèle au plus grand témoignage d’amour, mourir pour toi.

Et c’est à juste titre qu’il a distingué le sacrifice de la vie et de la réputation comme deux actions distinctes, mais qui doivent aller de pair.

Puissions-nous aujourd’hui, alors que nous contemplons la Croix, être transportés par cet élan pour abandonner notre réputation, afin que la lumière du Christ puisse briller, et non notre propre lumière, comme Benoît XVI l’a dit dans son premier message Urbi el orbi.

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Dans les Cœurs-Sacrés de Jésus, Marie et Joseph,

Luis CASASUS

Président